Traçage de l’aven Vailhé : les mystères de la source de Ladoux

Traçage de l’aven Vailhé : les mystères de la source de Ladoux

Par Nicolas Liénart (Service hydrogéologie du Conseil départemental de l’Hérault)

Dans le cadre de l’activité de son observatoire du karst, la Communauté de Communes Lodévois-Larzac a sollicité l’appui de l’association Larzac-Explo et du service hydrogéologie du Conseil départemental de l’Hérault pour étudier le fonctionnement hydrogéologique de son territoire.

Injection de la fluorescéine le 5 décembre 2020 à 16h (crédit : J.Camplo)

La connaissance des eaux souterraines est primordiale pour évaluer la contribution de cette ressource au milieu naturel et son potentiel pour alimenter la population en eau potable. Plusieurs projets d’études sont donc initiés et un véritable travail collectif est lancé, faisant appel aux compétences de chacun afin de répondre aux nombreuses questions souterraines de ce territoire

« Mais d’où vient l’eau de la source de Ladoux ? »

Ainsi, la source de Ladoux située sur la commune de Pégairolles de l’Escalette suscite un intérêt particulier compte-tenu de son débit important et assez constant dans le temps. Cependant, son bassin d’alimentation hydrogéologique (zone sur laquelle toute goutte de pluie qui tombe rejoint la source) n’est pas très bien connu, et surtout il semble de petite taille par rapport au débit de la source.

Voilà ce que l’on sait de la géologie pour tenter de tracer ce bassin. Au Nord, la faille de Saint Michel semble être un véritable rempart et limiterait donc le fameux bassin. A l’est, c’est l’aven du Saut du Lièvre qui impose la frontière – un colorant injecté en 1985 était ressorti aux sources de l’Avocat à Saint Etienne de Gourgas (eh oui, à plus de 7 km !). Au sud, des colorations depuis l’Aven des Perles (1969 et 2013) ont montré que les écoulements se dirigent vers les sources des Coutelles (Soubès) et la source de la Bronzinadouïre (St Etienne de Gourgas). Et pour finir, à l’ouest, c’est la vallée.

Le bassin hydrogéologique ainsi défini, présenté sur fond bleu ci-dessus, mesure 20 km2

« Du colorant au fond des grottes »

Dans le bassin d’alimentation, de nombreux avens sont présents mais peu d’entre eux possèdent des écoulements actifs au fond (véritables petites rivières souterraines). C’est pourtant le cas de l’Aven Vailhé, exploré le 22 novembre 1936 par le Groupe Vallot et prolongé dans les années 70 par le S.C.Lodève.

Entrée de l’aven Vailhé (crédit : J.Camplo)

Il est situé proche du hameau de Camp Rouch sur le plateau du Larzac. Situé au nord du bassin présumé, il a été retenu  pour l’expérience de coloration. Une tentative de traçage avait été mis en œuvre le 13 mai 2000 par le G.S.Languedoc dont les résultats n’ont pas pu être interprétés.

Le samedi 5 décembre 2020 à 16h00, un groupe de trois spéléologues est descendu à 125 m sous terre dans le gouffre étroit pour déverser 1,5 kg de fluorescéine, un colorant alimentaire inoffensif pour l’homme et l’environnement. Malgré le confinement en vigueur, cette opération s’est déroulée sous couvert de la convention Larzac Explo/Communauté de Communes et dans le respect des règles sanitaires.

Quand les rivières coulent vertes...
(crédit : J.Camplo)

L’eau colorée est alors partie dans les dédales calcaires souterrains selon son trajet ordinaire pour rejoindre les sources dans la vallée. Et c’est là qui faut avoir l’œil avisé ! Enfin, pas tout à fait… les quantités utilisées sont très faibles pour ne pas rendre la Lergue toute verte. Des appareils de mesure de précision sont utilisés (fluorimètres). Des prélèvements sont également réalisés tous les jours et seront analysés par un laboratoire. L’interprétation des résultats de cet écoulement sera très précieuse pour connaître la ressource de ce secteur.

« Où est parti le colorant ? »

La source de Ladoux et la source du Loup (exsurgence de la grotte éponyme) étaient surveillées tous les jours mais seuls les fluorimètres ont pu détecter le fameux colorant. En effet, dilué dans des quantités d’eau importantes lorsqu’il a rejoint la partie « réservoir » de la roche calcaire, sa couleur a totalement disparu pour nos yeux… il passe inaperçu !

récupération des données (crédit : J.Camplo)

Seul l’appareil de la source du Loup a été relevé pour le moment. Le tracé de la concentration en colorant montre parfaitement son passage à la source. La fluorescéine est apparue la première fois le 8 décembre en fin de journée (vers 20h). Il lui a donc fallu 3 jours pour parcourir sous terre environ 2 kilomètres et plus de 200 m de dénivelé. La vitesse maximale de circulation est évaluée à 28 mètres par heure.

Le pic de la courbe verte indique le temps d’arrivée du maximum de quantité de colorant. Il est mesuré le 10 décembre à minuit, soit 5 jours et 8 heures après l’injection. La vitesse moyenne du colorant est donc de 16 mètres par heure ; c’est une vitesse assez faible. Comme il n’avait pas plu depuis longtemps sur le plateau, les nappes sont assez basses et les écoulements souterrains sont faibles.

Courbe de restitution du colorant issue des fluorimètres de la source du Loup (crédit : N.Liénart)

« Alors c’est fini ? »

Ce n’est pas tout à fait terminé. Il faut attendre que le colorant disparaisse totalement de l’eau pour pouvoir interpréter correctement les données.

… Vous en saurez donc plus très bientôt !

vidéo de l’expérience de traçage de décembre 2020 (montage : Cindy Aussenac)

« Un nouvel exemple de tautologie involontaire en toponymie : la source de Ladoux » (Par Jean Paul Houlez)

La langue occitane est riche de nombreux termes désignant des sources. Si dans notre Languedoc les termes « font » ou « fos » (foux en transcription française)  ont souvent prévalu, le mot « dotz » ou sa variante « adotz » fréquent en Périgord apparaît toutefois en toponymie locale, à Babeau-Bouldoux, Fouzilhon, Cazedarnes, Avène, Bédarieux… Et c’est donc aussi le cas de la source de Ladoux à Pégairolles-de-l’Escalette, où l’article a été agrégé au substantif. « La doux » en transcription française est ainsi devenue « Ladoux« .

En outre, le terme « doux » n’étant pas reconnu dans la langue française et la signification originelle s’étant peu à peu perdue, on a cru bon de lui accoler le complément « source », qui a conduit à baptiser cette sortie d’eau la source de la Source, remarquable et absurde tautologie !

Dans la même région de Pégairolles, on trouve encore Puech Doussieu, « puèg dotziu » en langue d’oc, où le suffixe « iu » confère un caractère collectif au radical « dotz » : il désigne donc un puech  où naissent plusieurs sources. L’Adoux ou la Doux pour reprendre l’appellation primitive est l’une de celles-ci.

L’association Larzac Explo dédie cette expérience et ces résultats à Alain Caubel qui avait participé activement au traçage avorté de 2000 et qui n’a jamais douté de l’origine de cette source mystérieuse.

Également nous remercions la Mairie de Pégairolles, Le Conseil départemental de l’Hérault, La communauté de communes Lodévois et Larzac ainsi que le GAEC de Camp Rouch.

3 réflexions sur « Traçage de l’aven Vailhé : les mystères de la source de Ladoux »

  1. Bonjour
    le dessin de la zone d’alimentation me semble un peu grand du coté du pas de l’Escalette.
    Avez vous intégré les essais de traçage qui avaient été réalisés pour la construction du tunnel de l’A75 ?
    Ils montraient un aquifère « perché dans le bajo/bathonien » qui alimente une série de petites sources au niveau du pas de l’Escalette et du ravin de la Sambuguède (de la moulinette sur les cartes récentes), alimenté par des pertes du ruisseau du mas d’Audran. Ces traçages des années 80/90 sont en mode « oui/non » et pas du tout au niveau des traçages quantitatif modernes.
    Le tunnel a recoupé une petite cavité active tous les hivers, toujours visitable (avec autorisation, quand la circulation est coupée dans le tunnel…)
    A votre disposition pour vous en discuter.
    Pierre AZEMARD

  2. Bonjour
    Il y a également le hameau de Douch . ( ecclesia sancta Maria de Ductos . 978 ) où se trouve une source autrefois importante .

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