L’AVEN DE LA CANOURGUE FAIT PEAU NEUVE

L’AVEN DE LA CANOURGUE FAIT PEAU NEUVE

« Le dire c’est bien, le faire c’est mieux » (couillon de la Lune)

AVERTISSEMENT IMPORTANT

L’aven de la Canourgue s’ouvre sur une propriété privée. L’action menée n’autorise en aucun cas d’y pénétrer sans l’autorisation du propriétaire et de l’exploitant. Son accès est règlementé et doit faire l’objet d’une demande préalable.

C’est rare que Larzac Explo et Céladon ne traitent pas l’actualité en temps réel ! Les lecteurs de ce site voudront bien nous excuser pour ce manquement volontaire lié à des engagements réciproques entre spéléologues et agriculteurs. Nous allons vous raconter une histoire qui remonte à presque deux ans et qui a réuni des femmes et des hommes amoureux des grottes et du Larzac… Un petit coup dans le rétroviseur ! Nous voici en avril 2022.

La pelle mécanique de l’entreprise Baldare TP (crédit : J.Camplo)

Des poubelles dans une aven !

L’aven et les déchets en juin 2021 (crédit : J.Camplo)

L’aven de la Canourgue, situé commune de Soubès, était tristement connu pour être l’un des dernier aven poubelle conséquent de la région. La dernière dépollution « réellement utile » ayant été menée dans les année 2000 par le G.S.Languedoc à l’aven de Coucoureigne (commune de Sorbs). C’était une époque où les clubs de spéléologie avaient encore une autre vocation différente de celle d’aujourd’hui.

Les déchets inertes autour de l’entrée (crédit : J.Camplo)

Inutile de chercher à juger ou condamner ces pratiques révolues, le fait est que les déchets étaient là et bien là et qu’ils ne pouvaient pas y rester plus longtemps. Dans les années 70, les spéléologues locaux avaient poursuivi certaines investigations dans l’aven de la Canourgue, idéalement situé. Ils avaient atteint la côte -62m découvrant ainsi une deuxième entrée, un grand puits de 45m et une succession de ressauts qui se terminent sur une galerie étroite infranchissable.

Les relations entre spéléologues et exploitants agricoles n’étant plus au beau fixe à cette époque, l’aven fut bouché et condamné définitivement. Les poubelles continuèrent à s’entasser jusqu’à la fin des années 90 créant un risque majeur de pollution des sources des cirques de Gourgas et de Soubès.

Lors du lancement de l’Observatoire du Karst en 2020, le sujet de l’aven de la Canourgue est naturellement revenu sur le devant de la scène.  Les clubs locaux et les instances fédérales ont longtemps eu le doux rêve d’une dépollution sans jamais finalement passer à l’action, surement trop occupés par des orientations qui les éloignent des réels enjeux du monde souterrain.

Cependant, avant de se lancer dans une opération d’envergure, il fallait tout simplement apaiser les vieilles tensions et expliquer le but de l’action. Quand des amoureux des Grands Causses se rencontrent et parlent le même langage tout devient plus facile, qu’il soient spéléologues ou pas.

Dépollution en cours (crédit : M.Catala – CCLL)

45 tonnes de déchets …

Enlèvement des déchets avec export (crédit : J.Camplo)

Une fois le relationnel et la confiance établie, il fallait lancer le projet et la logistique attenante. Qu’à cela ne tienne, rien n’est trop important pour la protection de l’eau et des sources ! La Communauté de Communes du Lodévois et Larzac (principale financeur) désigne Larzac Explo comme coordinatrice de l’opération aidée par Céladon. Le 8 avril 2022, l’entreprise Baldare TP de St Pierre de la Fage, lance sept camions et une pelle de 25 Tonnes autour de l’aven de la Canourgue. Il faudra une journée entière pour extraire pas moins de 44 tonnes de déchets ménagers et inertes ! Ces derniers ont été acheminés au centre d’enfouissement du Syndicat Centre Hérault à Soumont partenaire de l’opération. Immédiatement l’entreprise C2B Clôtures basée au Caylar a entouré le périmètre de la cavité pour protéger les troupeaux d’une chute certaine. Une affaire locale avec des entreprises locales !!!

Fin de chantier (crédit : M.Catala – CCLL)

Le puits d’entrée de la cavité a été entièrement vidé de son contenu laissant réapparaitre la lucarne donnant accès à la suite. Une fois à la profondeur de -45m, la tâche qui nous attendait était encore fastidieuse et manuelle. Les fortes pluies de 2015 ont poussé les déchets les plus fins au fond de l’aven tapissant les parois jusqu’à 5m de hauteur (ndlr : ce qui laisse imaginer le niveau de mise en charge et le volume d’eau qui y passe). Ce travail minutieux toujours en cours prendra surement quelques années…

Finitions (crédit : M.Salze)

Le lendemain de l’opération principale une équipe de dix spéléologues ont nettoyé à la main la périphérie de l’entrée et la zone de travaux enlevant ainsi 1 tonne de déchets supplémentaires (vis, clous, canettes, tessons…).

Une action en zone Natura 2000

Les déchets souterrains, un travail de longue haleine (crédit J.Camplo)
Le camion de la DMO CD34 lors de l’injection le 1er décembre 2022 (crédit : M.Catala – CCLL)

Au-delà de l’aspect visuel, cette opération compte plusieurs enjeux majeurs. L’aven de la Canourgue est idéalement placé d’un point de vue géologique mais n’a jamais pu être rattaché officiellement à une source en particulier. Trois candidates potentielles, toutes utilisées pour la consommation ou l’arrosage agricole : Les sources de l’Avocat, de la Bronzinadouire (St Etienne de Gourgas) et la source des Coutelles (Soubès). Pour en avoir le cœur net il fallait réaliser un traçage inédit sans perdre de temps !

Nicolas Liénart (CD 34) et Patrick René (G.S.Montpeyroux) lors de l’injection

Comme nous sommes habitués aux logistiques lourdes et pour ne pas déranger à nouveau les pompiers du Caylar, nous avons fait appel ce coup-ci à la Direction des Moyens Opérationnels du Conseil Départemental de l’Hérault. En partenariat avec le service hydrogéologie du CD 34 nous avons injecté, à l’aide d’un camion poids lourd, 44 m3 d’eau potable pour pousser le colorant alimentaire (2 kg de Sulforhodamine B) permettant de tracer les eaux souterraines. Cette opération réalisée le 1e décembre 2022 a été épaulée par le Syndicat Intercommunal des Eaux du Lodévois et Larzac (SIELL) et a permis de rattacher l’aven de la Canourgue au système de Gourgas en isolant définitivement la source des Coutelles.

Les résultats

Pollution souterraine (crédit : B.Galibert)

Le colorant a fait son apparition au bout de 3 jours et 11h à la source de la Bronzinadouire mais aussi aux fontaines de l’Avocat (Bergère)12 jours plus tard. La distance parcourue étant de 2km pour un dénivelé variant de 297m à 358m suivant les sources. Indéniablement, cette dépollution aura permis la préservation de ces sorties d’eau utilisées pour les populations et l’agriculture tout en faisant avancer les connaissances hydrogéologiques du secteur. Que demande le peuple !

Seringue vétérinaire à -62m sous terre (crédit : B.Galibert)

L’aven de la Canourgue est situé en zone Natura 2000 (ZPS FR9112032 « causse du Larzac » et ZSC FR9101385 « causse du Larzac »). Sa réouverture est une aubaine pour les chiroptères (chauves-souris) de ce secteur qui peuvent enfin le recoloniser. Tout un chacun imagine bien le spéléologue d’investigation comme une sentinelle souterraine au service des cavernes et des espèces qui les peuplent ! La biodiversité et la protection de la ressource en eau étant une de nos priorités, l’action menée va aussi dans ce sens. N’en déplaise à nos détracteurs qui nous voient parfois comme des consommateurs du dimanche insensibles aux milieux qui les entourent ! La dépollution de l’aven de la Canourgue est un exemple de l’utilité du spéléologue d’investigation au travers d’un multi -partenariat ! œuvrer tous dans le même sens dans un fonctionnement vertueux pour le milieu naturel.

La grande salle de l’aven de la Canourgue (crédit : B.Galibert)

Le coût total de l’opération s’élève à 20 000 €. Il est évident que le montant est dérisoire face à l’utilité future de cette action ! C’est encore une fois cette alliance entre spéléologues, agriculteurs et collectivités qui amène à ce résultat. Sans volonté il était impossible de le réaliser.

Cette dépollution est un tournant dans le fonctionnement de l’observatoire du karst. Elle donne une nouvelle impulsion à la suite des actions qui vont se prolonger jusqu’en 2026 et peut être jusqu’en 2028… L’observatoire se structure petit à petit avec une vraie dimension scientifique et technique qui permettra une compréhension des différents système karstiques qui composent le Larzac Méridional. Progressivement de nouveaux acteurs rentrent dans la danse dans l’intérêt de ce milieu fragile et de cette eau vitale qui nous inquiète tant et pour nous permettre de répondre au mieux aux questions que nous nous posons pour aménager et préserver le territoire de demain.

Un grand merci à Lambert Soulié de la ferme de la Canourgue pour les coups de gueules et les grillades ! Merci à la Communauté de Communes Lodévois et Larzac (Jean Luc Requi/Arnaud Le Beuze/Mathieu Catala) pour l’engagement et le financement mais aussi aux maries de St Etienne de Gourgas et de Soubes. Bravo aux entreprises Baldare Tp et C2B Clôtures qui ont rendu le site à son état naturel et qui l’ont sécurisé. A la DMO et au service hydrogéologie (N.Liénart) du CD 34 pour la mise en œuvre et le suivi du traçage. Merci au Syndicat Centre Hérault (Sébastien Piernas) pour la récupération et le traitement de tout ce fourbi. Merci aux bénévoles pour l’aide apportée durant ces journées et qui ont tous œuvré dans l’intérêt de la recherche en laissant leur intérêts personnels de côté.

Alors faisons le bilan de l’Observatoire du karst et de ces quatre années sous terre dans la vidéo ci-dessous et route vers de nouvelle aventures !

Observatoire du karst en Lodévois et Larzac

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