Nouvelles découvertes dans la vallée de Lauroux
Sous le Larzac méridional : une source cachotière aux multiples facettes, la source du Payrol.
Dans le cadre de notre partenariat avec la communauté des communes du Lodévois et Larzac au travers de l’observatoire du karst et dans la continuité de nos projets, nous avons repris l’étude et l’exploration de la source du Payrol, dans la vallée du Laurounet. Les investigations spéléologiques étaient interrompues depuis 1982, date à laquelle les spéléologues butaient sur une étroiture défendue par un énorme bloc dans le troisième siphon. A cette époque, Patrick Pénez assisté d’Alain Vieilledent et Franck Vallat avait réussi le pari d’explorer un peu plus de 500m de galeries…
La règlementation draconienne appliquée aux ressources captées pour l’eau potable interdit depuis l’accès à la cavité. Ces plongées se sont déroulées dans le contexte particulier de la crise sanitaire actuelle et des contraintes imposées par le plan vigie-pirate. Un protocole spécifique a été appliqué à chaque plongée qui ont été au nombre de quatre :
- désinfection de la combinaison de plongée au virucide – bactéricide – fongicide ;
- prise de température des plongeurs avant chaque plongée.
Une campagne instructive en divers points, qui ouvre des perspectives et soulève des interrogations.
Au-delà du précédent terminus de la cavité, 356m de galeries jusqu’alors inconnues ont été révélés et la rivière souterraine ainsi prolongée jusqu’à des fractures très étroites, difficilement pénétrables. Le siphon n°3 a été franchi donnant accès à une belle galerie qui se poursuit par un 4eme et un 5eme siphon. Nous avons effectué un relevé topographique complet de la cavité car nous ne possédions pas les données antérieures. L’exploitation de ces valeurs avec les outils informatiques autorise le report sur cartes et photographies aériennes, afin de mieux appréhender l’organisation des cavités et des écoulements souterrains du secteur. La rivière souterraine totalise à présent 860m de développement et remonte d’environ 16m par rapport à l’entrée.
Les mesures d’une sonde enregistreuse, nommée sonde Hobo (température et conductivité de l’eau) n’ont pas révélé d’arrivées affluentes aux caractéristiques différentes, dans la partie connue de la source. Par contre, il serait intéressant de comparer ces données à celles de la rivière souterraine du Bousquet, autre rivière majeure sise sur le versant opposé du massif, côté Lergue où nous avons exploré 288m de galeries en juillet 2020 (voir notre article 1 er juillet 2020). Les deux sources jaillissent à la même altitude et présentent des caractéristiques identiques en matière de vie cavernicole.
D’ailleurs, de nombreux niphargus, crustacés cavernicoles communs ont été observés. Une autre forme de vie caverneuse mérite qu’on s’y intéresse : les escargots. Nous fumes récompensés par la découverte de quatre Moitessieria cf. rolandiana vivants, identifiés par le spécialiste en la matière Vincent Prié suite aux prélèvements de sable réalisés lors de notre dernière plongée. Les monts de l’Escandorgue et le sud Larzac font partie d’une zone vierge de ce type de vie cavernicole, à peu près située sur la ligne de partage des eaux entre Atlantique et Méditerranée.
Le fait de trouver ces escargots dans la vallée du Laurounet contribue à l’acquisition de la connaissance et à la définition des zones peuplées par ces espèces. Cela renseigne également sur la qualité de l’eau (les escargots et les niphargus ne supportent pas la pollution !!!).
Une belle exploration qui apporte des éléments de connaissance autant qu’elle lève de nouvelles interrogations et ouvre des perspectives de recherches, des approfondissements. Une exploration essentielle qui permet de délimiter un peu mieux le bassin versant de cette source mystérieuse.
POUR LA PETITE HISTOIRE…
Par Nicolas Liénart (Service hydrogéologie du CD34) :
« Payrol nord ou Payrol sud … 2 sources pour une même origine !«
« Dans la vallée du Laurounnet, deux sources appelées « Payrol nord » et « Payrol sud » s’écoulent vers la rivière. Elles sont aussi captées partiellement … l’une appartenant à Lodève et l’autre appartenant à Lauroux. Pour chaque commune, sa source était unique et il ne fallait pas les confondre!
Le 11 janvier 2012, lors d’une inspection de la galerie de Payrol sud par des plongeurs, j’ai confié un flacon de fluorescéine aux hommes grenouilles en leur demandant de l’ouvrir dans la cavité, dans une galerie latérale identifiée en 1982 comme étant aspirante. Arrivé au lieu précis, le plongeur a ouvert le récipient et tout le colorant est parti dans la galerie, sans aucun retour dans le conduit principal… heureusement pour lui ! Une vingtaine de minutes plus tard, la source « Payrol nord » était toute verte.
Le verdict était sans appel : les deux sources proviennent de la même rivière souterraine. Elle se divise simplement en deux branches pour donner naissance à deux sources distinctes. Ce fût la fin d’un mystère ! Les habitants des deux communes utilisent la même eau ! »
EN QUELQUES CHIFFRES…
– 356m de nouvelles galeries explorées en 2021
– 347 m de galeries exondées
– 860 m de galeries cumulées
– siphons n°1 et n°2 cumulés sur 54m de long
– siphon n°3 long de 325m et profond de -8.5m
– siphon n°4 long de 45m
– siphon n°5 long de 84 m et profond de 6m
– température de l’eau : 11.8 °C
Pour des raisons de protection du captage de la source et pour des raisons de sécurité, la topographie présentée ici a été volontairement modifiée.