Plongée en eaux profondes à l’aven du Cochon
« Si tu n’as rien à dire : tais toi ! En revanche, si tu as quelque chose à dire, dit le fort et que tout le monde l’entende ! » (Panpan, lapin dépressif).
Une fois n’est pas coutume, l’aven du Cochon fait encore parler de lui ! Et oui, ce n’est pas le genre de la maison que de parler pour ne rien dire ! Nous évitons de tomber dans les publications et posts inutiles et trop réguliers qui deviennent ennuyeux à la longue (même pour nous). Certains fidèles lecteurs (avisés ou pas) se seront rendu compte de notre silence depuis maintenant six mois. Disons que nous souhaitions finir une chose avant d’en commencer un autre, histoire de ne pas tomber dans la dispersion d’objectifs propre au monde de la spéléologie. Comme nous avons fini le travail sur la grotte du Banquier, il était tout naturel de continuer celui sur l’aven du Cochon (St Pierre de la Fage) débuté en 2019.
Rappelez vous il y a quelques mois, grâce aux moyens du service hydrogéologie du Département de l’Hérault et à ceux de la Communauté de Communes du Lodévois et Larzac, nous réalisions deux campagnes de traçages successifs dans la cavité colorant ainsi les eaux de la Lergue et de la Vis en vert et en rose ! Ces résultats surprenants nous ont permis de comprendre certaines connexions souterraines mais ont soulevé de nouvelles questions. Comprendre le fonctionnement de l’aven du Cochon devient de plus en plus casse tête. Il se place tel un maillon entre deux parties opposées du causse du Larzac reliées par les eaux souterraines (voir notre article : https://larzacexploceladon.fr/index.php/2023/02/17/la-vis-et-la-lergue-reliees-par-les-eaux-souterraines/)
Éloge d’un voyage lent :
Une fois l’euphorie des résultats passée, l’heure était à la reprise du travail pur et dur! Continuer la topographie et travailler de manière systématique. Passer partout, dans les moindres recoins, sur le moindre tas de boue ! Rappelons que cet aven, rattaché initialement au système du Banquier (vallée de la Lergue) et plus récemment à la résurgence de Gourneyras (vallée de la Vis) développe environ 5 à 6 km de galeries (topographie en cours de réalisation) pour une profondeur connue (avant nos recherches) d’environ – 200m.
Immense système, difficile d’accès et extrêmement glissant (il y a de la boue partout et tout le temps !) il a cependant vu défiler plusieurs générations de spéléologues depuis sa découverte en 1930 par le Père Pouget. Pour continuer les travaux d’exploration, un camp intimiste dédié à la cavité a été organisé durant la première quinzaine de juillet pour tenter d’y voir un peu plus clair. Topographie, désobstruction, escalade etc…, tant d’activités riches et variées qui nous ont occupé en ce début d’été 2023. Mais c’est un voyage lent, fastidieux et usant qui mérite une organisation fine et un moral d’acier !
La sècheresse a parfois des avantages !
Un des objectifs de ce « mini-camp » était avant tout la plongée du siphon terminal. Situé au point le plus bas de la cavité, ce siphon découvert en 1980 par le dynamique GERSAM (Groupe d’Étude Spéléologique et Archéologique de Montpellier) n’avait jamais été plongé. Après avoir glané quelques infos historiques et suite à un repérage hivernal des lieux, la décision d’engager le plongeur de CELADON était irréversible…
Un portage difficile a donc été organisé permettant d’acheminer tout le matériel nécessaire à la respiration sous marine à plus de deux kilomètres de l’entrée et en plein milieu du Larzac ! A la surprise générale, une fois arrivé sur place, le siphon avait disparu, « obligeant » les porteurs de bouteilles à se transformer en explorateurs ! La sècheresse extrême qui frappe la région a vidé le siphon (sans pompage !) donnant ainsi accès à de nouvelles galeries. « La galerie de la SNCF » a été parcourue rajoutant ainsi 28m de dénivelé à l’aven et environ 80m de conduits vierges. Le siphon réduit par le manque de pluie attendait tout de même l’équipe à la côte – 233m. Une faille d’un bleu profond laissant entrevoir une suite sous marine…
Et ça continue encore et encore !
C’est donc le 12 aout dernier que le plongeur de Céladon a fait le voyage interminable jusqu’à la vasque d’eau du siphon qui avait baissé encore de 4 m en un mois ! Après une préparation minutieuse, le voilà parti vers de nouvelles contrées noyées ! Équipé de bouteilles légères d’une capacité de 4 litres, il s’est enfoncé dans le karst jusqu’à la profondeur de -32 m sous la surface de l’eau ! Le siphon est en fait une énorme faille noyée qui ne cesse de descendre dans les profondeurs du Larzac. « Une autoroute vers Gourneyras ! » Prudent, le plongeur (après avoir estimé une suite à – 37m.) a préféré laisser cela aux générations futures ! Sage décision qui évite que nous fassions la une de BFMoutons !
Le Cochon est donc plus profond d’un jour sur l’autre ! Il atteint aujourd’hui les -270 m mais se défend et gagne la partie sur nos moyens techniques et humains ! La distance qui sépare l’entrée du siphon et les nombreux obstacles ne nous permettent pas d’aller plus loin en respectant une de nos principe de base : la sécurité.
Cependant c’est une avancée majeure pour la connaissance du karst mais qui amène également son nouveau lot de questions et de théories qui nous permettent de continuer notre aventure un peu folle dans cet aven boueux ! Il reste encore tant de choses à découvrir et a explorer que nous ne nous sommes pas fixé de date de fin ! Un voyage lent, très lent et une histoire à suivre !
Ci-dessous la topographie 3D en cours de réalisation avec les avancées majeures
2 réflexions sur « Plongée en eaux profondes à l’aven du Cochon »
Effectivement, à la sortie du cochon, chez Sylvie et Gérard à Saint Maurice Navacelles, nous avons vu un Frank Vasseur, épuisé dégouté de l’argile, avec quand même des paillettes dans les yeux, vu cette belle première, réalisé avec une équipe de choc. Pour l’instant il laisse à d’autre la suite de l’explo….. Mais qui sait si dans quelques mois ça ne va pas le titiller à nouveau pour retourner à cet inconnu difficile mais pleins de promesses !!!!!
3/09/23
Merci pour ce reportage très intéressant.
Je n’ai jamais fait moi-même de spéléo mais suis assez passionnée des extrêmes quels qu’ils soient et surtout s’ils concernent les réseaux de l’eau, ses mystères et ses problèmes, aujourd’hui, dans notre région. Merci pour le texte et les photos. S. Delouis (membre de Oeuvre d’Eau).